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Bienvenue au Musée de la Marine !
Qui, en lisant ces quelques mots, ne pense pas à ces immenses salles ornées de peintures, d'instruments en tout genre et de maquettes aux détails incroyables ?
Depuis 1938, le palais de Chaillot à Paris accueille les oeuvres qui étaient conservées depuis 1748 au Louvre.
Entre collections permanentes et expositions, ce musée est le lieu où l'on peut apprendre notre Histoire maritime et s'ouvrir au monde de la Mer en général. Une véritable antre de la connaissance, une invitation au voyage pour les grands mais aussi les petits. Chacun est émerveillé par telle ou telle oeuvre, lorsque l'on se laisse guider par son amour de la mer, on ne peut rester indifférent devant tant de majesté.
J'ai toujours été fasciné par les maquettes de navire qui accompagnent notre visite. Elles ont traversé l'histoire et sont les derniers témoins de l'art de la construction navale française.
J'ai voulu en savoir plus sur leur origine, leur conservation et leur avenir.
Actuellement en grande rénovation, le musée à répondu à mes questions tout en m'offrant quelques informations inédites sur la nouvelle muséographie.
J'ai pu rencontrer Ariane Théveniaud et Bénédicte Massiot, restauratrices de l’atelier au sein du service de la conservation des oeuvres, qui m'ont fait partagé leur passion ainsi que Vincent Bouat-Ferlier, Directeur Scientifique du musée en charge du projet de rénovation qui m'a livré quelques nouvelles concernant le futur parcours de visite.
Quel est votre rôle au sein du musée ?
Le Musée national de la Marine possède un atelier dédié à la conservation des modèles, constitué de maquettistes–gréeurs puis de restaurateurs, depuis plus de deux siècles. Aujourd’hui nous sommes deux restauratrices du patrimoine spécialisées en bois et en métal. En plus de nos formations en conservation-restauration, nous avons hérité d’un savoir-faire plus particulier en intégrant le musée, celui de la restitution du gréement. Nous sommes ainsi en mesure de traiter l’ensemble des modèles de la collection. C’est donc naturellement que la centaine de maquettes qui figurera dans le nouveau parcours d’exposition nous a été confiée.
Qu’est-ce qui vous a poussé à rejoindre le musée ?
Pour un restaurateur, la variété des collections du musée rend le travail passionnant. La diversité des matériaux, des échelles et des fonctions de l’impressionnante collection de modèles historiques entrainent une réflexion permanente. Il n’est pas rare de devoir restituer des manœuvres ou fabriquer des pièces d’accastillage mais aussi de nettoyer des couches de polychromie, de dorure et de recoller des éléments détachés. Ce travail est donc très riche et nécessite des recherches spécifiques pour chaque objet. Nous en apprenons tous les jours ! De plus, se trouver au sein d’une institution nationale, entourées d’une équipe interdisciplinaire permet d’enrichir notre pratique au travers d’échanges quotidiens.
Pourquoi a t'on produit des maquettes ?
Sous le terme de maquettes se cachent une infinité de modèles aux multiples fonctions. Ainsi, certaines œuvres ont pu servir de support technique et ont aidé à la construction du bateau à l’échelle 1. C’est le cas des maquettes sur charpente ou des demi-coques avec membrures. D’autres objets, que l’on regroupe sous l’appellation modèle d’instruction, ont permis aux officiers de marine de se former au vocabulaire et aux manœuvres du navire. Ils ont alors une fonction pédagogique qui se traduit dans la forme de la maquette : ses dimensions sont importantes pour pouvoir en observer les détails, les poulies sont surdimensionnées et le gréement peut se régler. Le musée possède aussi une collection de modèles d’arsenaux qui sont le témoignage d’innovations technologiques, véritables symboles de la puissance maritime française. On retrouve d’ailleurs cette fonction représentative dans les modèles d’armateurs qui reflètent l’identité d’une compagnie.
Comment l’architecture des navires est-elle abordée au sein des collections ?
Le parcours permanent débutera par un espace dédié aux maquettes, cœur historique des collections du musée : le Studio des modèles. Aujourd’hui, beaucoup de gens appréhendent les modèles comme des objets décoratifs. Le musée souhaite les recontextualiser et rendre compte de leurs multiples dimensions sur les plans chronologique, typologique et fonctionnel. Les modèles sélectionnés permettront aussi d’illustrer la variété des matériaux utilisés et différentes techniques de construction européennes et extra-européennes. Les demi-coques ou les maquettes sur charpente mentionnées plus haut auront toute leur place dans ce futur espace. Le modélisme de recherche, permettant de tester et de restituer des techniques de construction navale aujourd’hui disparues, sera aussi abordé. Un dispositif multimédia « encyclopédique » offrira par ailleurs un contenu très enrichi aux visiteurs qui souhaitent en savoir plus, comme des plans ou un lexique détaillé. Chaque modèle présenté dans le Studio y sera référencé.
Le parcours permanent débutera par un espace dédié aux maquettes, cœur historique des collections du musée : le Studio des modèles.
L’évolution technique des navires à travers l’histoire sera également présentée dans le reste du parcours, notamment dans un espace dédié à la Marine. Celui-ci débutera d’ailleurs par une présentation des ressources et de l’organisation nécessaires à la construction d’une flotte opérationnelle. Une série de vitrines « armada » permettra ensuite au visiteur de voyager dans le temps à travers une série de navires emblématiques de nos collections, du XVIIe siècle à aujourd’hui. Le sujet des évolutions techniques, tant au niveau de la propulsion que de la vie à bord, viendra compléter cette présentation de part et d’autre des vitrines. La question des innovations et de la vie à bord est le cœur de la problématique choisie pour cette galerie. Mais tous les espaces du musée répondent à cette volonté de montrer l’évolution des navires : l’espace consacré aux paquebots ou celui sur le transport de marchandise suivent le même principe.
Si vous deviez choisir une œuvre qui représente l'art de l'architecture navale, laquelle choisiriez-vous ?
L’Artésien, s’il ne faut choisir qu’un modèle, est un des joyaux des collections du Musée national de la Marine. Construit en même temps que le vaisseau lui-même par l’atelier des modèles de l’arsenal de Brest en 1765, il est offert au roi pour servir à l’instruction du dauphin, futur Louis XVI. Autrefois démontable, il permettait d’identifier les parties du navire et d’expliquer la manœuvre de manière théorique. Vers 1810, à la demande de Napoléon, le modèle intègre la galerie du Grand Trianon aux cotés de maquettes de la marine impériale. Il est alors le symbole des prouesses technologiques de l’Ancien Régime. Cette œuvre se caractérise par sa finesse d’exécution : les sculptures des figures de proue, des bouteilles et du château arrière, ainsi que le gréement et l’accastillage présentent un haut niveau d’exécution et de précision. Il n’est d’ailleurs pas rare de s’y référer pour comprendre la fonctionnalité de certaines pièces lors de restaurations.
Artésien, vaisseau de 64 canons, 1765, vue de travers tribord, babord, face….Cupin Sébastien (18e)
© Musée national de la Marine/P.Dantec
D’où proviennent vos collections ?
Les collections du musée de la Marine se sont formées à partir des modèles d’arsenaux et de collections privées dont celle de l’inspecteur général de la Marine, Duhamel de Monceau. Au milieu du XVIIIe siècle, il crée une salle de la Marine au Louvre avec des modèles et des machines portuaires, supports didactiques pour ses élèves instructeurs. Au fil des siècles et des déménagements, les collections se sont enrichies d’acquisitions, de dons privés ou de commandes. Cela relève de la mission du musée : continuer à accroître ses collections pour les compléter, les diversifier et les actualiser. Des maquettistes sont ainsi sollicités pour fabriquer des modèles contemporains. La longue transmission de l’histoire maritime française perdure à travers eux.
Quels sont les moyens du musée de la Marine pour conserver de telles maquettes ?
Les modèles du musée sont des objets composites dont les différents matériaux ne réagissent pas de manière similaire aux facteurs de dégradation. Les fibres textiles constituant le gréement sont particulièrement fragiles. Afin d’assurer la conservation des collections, il est nécessaire de mettre en place un contrôle de leur environnement en surveillant précisément la température, l’hygrométrie et l’intensité lumineuse mais aussi en assurant des veilles sanitaires. Pour répondre à ces besoins, le musée a créé son propre centre de conservation au sein duquel des réserves adaptées ont été réalisées. Les modèles y sont conservés en toute sécurité, dans un climat stable et à l’abris de la lumière. Ce centre réunit aussi l’ensemble du personnel scientifique du musée permettant un suivi quotidien de l’état des œuvres.
Quelles sont les ressources en ligne que l’on peut consulter si on veut en savoir plus, se renseigner sur un modèle en particulier par exemple ?
La question des ressources « pour en savoir plus » sera traitée de plusieurs manières. D’abord au sein même du parcours, à travers les dispositifs de médiation. Ceux-ci sont pensés pour être accessibles à tous, avec différents niveaux de complexité de lecture et d’informations. Un dispositif « encyclopédique » est d’ailleurs prévu pour traiter spécifiquement des modèles et des métiers du musée, au premier rang desquels les restaurateurs.
Par ailleurs, un « compagnon de visite », visio-guide, sera proposé à tous gratuitement pour approfondir ses connaissances sur les œuvres du parcours, et proposer des contenus multimédias (vidéo, audio, réalité augmentée) en plus des textes proposés et des dispositifs « in situ » ainsi que des parcours spécifiques.
Le site Internet est également en cours de refonte, avec la volonté de faciliter l’accès aux données consacrées aux collections et notamment Webmuséo.
Enfin, notre service de la médiation travaille aux futurs parcours de visite pour les visites guidées.
Pensez-vous que les maquettes ont encore de beaux jours devant elles, notamment dans leur mise en avant dans le futur musée ?
Les modèles sont le cœur de nos collections. Le programme de rénovation a souhaité les valoriser et les présenter de la plus belle manière qui soit, en mettant en valeur leur histoire, celle des navires qu’elles représentent et des marins qui y ont embarqué. A travers une scénographie soignée et une médiation renouvelée, nous souhaitons pouvoir leur donner le statut qu’elles méritent, celui d’œuvre d’art. Nous souhaitons également pouvoir renouveler régulièrement les modèles présentés afin de présenter le panel le plus large possible de nos collections.
Je remercie chaleureusement Ariane Théveniaud, Bénédicte Massiot et Vincent Bouat-Ferlier pour s'être rendu disponible pour répondre à mes questions ainsi qu'aux différents services du Musée de la Marine qui ont contribués à rendre possible cette publication.