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    L'arcasse, pièce maitresse de la poupe

    Vaisseau de 118 canons en construction - Toulon avant 1835 - 27 CN 10

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    Christophe Melot
    Christophe Melot

    L'arcasse, mot issu du latin Arcus ou directement de l’italien Arcasso, elle signifie « Grand arc », elle est
    une des parties essentielles du navire.

    Placée à l'arrière tout contre l'étambot, c'est le support de toute la poupe du navire. Elle permet de former les arrières dits carrés.

    Au 17ème siècle, cette poupe est la section du navire qui est la plus décorée, permettant de
    faire rayonner à travers le monde tout le savoir faire artistique du pays qu'il représente.
    Il est difficile de déterminer quand cette forme a été inventée. On retrouve des traces au début du 17ème siècle
    laissant penser qu'elle est plus ancienne encore.

    L'arcasse est une pièce déterminante afin d'obtenir un navire stable et équilibré. Sa conception demandait une
    grande rigueur et précision pour les architectes de l'époque.

    Quelle est sa place sur le chantier? De quoi est-elle composée? Quelle est son évolution? Voilà les questions
    abordées dans cet article.

    Sa place dans la construction d'un navire

    Lors de la construction d’un navire, les premières pièces disposées sur le chantier sont la quille, l’étrave et l’étambot. Ces trois éléments déterminent la longueur de la coque et une fois assemblés, ils forment un tout dressé sur un plan vertical soutenu par des tins. Cette unité va servir de base pour l’édification du bâtiment, c’est l’épine dorsale du navire.
    L’arcasse vient ensuite car elle va permettre de générer les formes arrières en prenant la forme d’un triangle.
    Elle est donc placée et fixée sur la surface intérieure de l’étambot.

    © Paris, Musée de la Marine, modèle diorama d’un chantier de construction d’un vaisseau de 118 canons. Atelier de modèles des Arsenaux. N° inv. : 27 CN 10 © Paris, Musée de la Marine, modèle diorama d’un chantier de construction d’un vaisseau de 118 canons. Atelier de modèles des Arsenaux. N° inv. : 27 CN 10

    Toutes les pièces qui la composent sont assemblées à terre. Elle est ensuite placée en hauteur car elle vient reposer
    sur les derniers couples de l’arrière. L’ensemble crée une disposition courbe qui permet de passer de la
    finesse de la quille à la grande largeur de la poupe.

    Son déplacement est délicat et se fait à l’aide de nombreux palans car elle pèse 15 tonnes dans le cas d'un vaisseau de 74 canons (ref. Jean Boudriot).
    La membrure, véritable cage thoracique de la coque, est installée sur tout le long de la quille et
    vient ensuite épouser les formes les plus larges de l’arcasse.

    JL BILLOT / Association Hermione - Lafayette,
1997 © JL BILLOT / Association Hermione - Lafayette, 1997

    Ici, dans la cas de l’Hermione, l’arcasse a représenté un poids de 4,5 tonnes. On peut voir que nous sommes au tout début du chantier, la quille et l’étambot sont installés sur des tins, le maître couple n'est pas encore présent et on distingue aussi les fourcats, ces derniers couples de l’arrière qui accueillent le bas de l’arcasse.

    Sa composition

    JL BILLOT / Association Hermione - Lafayette, 1997 © Jean Boudriot, le vaisseau de 74 canons, tome 1

    Le contexte de la position de l'arcasse est réprésenté par l'étambot (numéro 1), le contre-étambot (numéro 2) qui vient renforcer le précédent sur l'arrière, le faux-étambot (numéro 3) qui vient également renforcer l'étambot mais sur l'intérieur de ce dernier.

    Elle se compose d’un ensemble de plusieurs fortes barres assemblées sur l’étambot perpendiculairement à la quille.

    Plus la structure de l'arrière est haute, plus elle est lourde et plus il faut de barres pour la soutenir.

    Comme dans toute l'architecture navale, chaque pièce a son nom et on peut les distinguer ainsi :

    • La barre de pont (voir illustration numéro 5), est le dernier bau de l’arrière. Il y a autant de barres de pont qu’il y a de ponts.

    • La barre ou lisse d’Hourdi (voir illustration numéro 6), est une poutre ou un petit bau qui traverse l’étambot en sa partie haute, elle forme les seuillets des sabords de la sainte-barbe. Elle constitue aussi la plus grande largeur de l’arcasse. Elle accueille l'aboutissement des bordages. Ils y sont reçus dans une râblure qui s’étend jusqu’au milieu de la barre (Duhamel Du Monceau). La profondeur de la râblure est déterminée par l’épaisseur des bordages.

    • La barre d’arcasse (voir illustration numéro 10) est la barre la plus haute de l’arcasse,elle repose sur un adent pratiqué dans la tête de l’étambot.
      C’est au-dessus de cette barre que passe le timon qui permet de faire mouvoir le gouvernail.

    • Les barres d’écusson ou encore intermédiaires (voir illustration numéro 4), sont semblables à la lisse d’hourdi car sont posées horizontalement sur l’étambot mais présentent moins de courbure verticale. Elles remplissent l’espace depuis les façons jusqu’à la barre du pont.


    Enfin les estains (voir illustration numéro 7) sont deux
    pièces de bois qui, par leur courbure, forment un « S » et ferment l’espace constitué par toutes les barres de
    l’arcasse. Dans leur prolongement on peut noter les allonges de cornière (voir illustration numéro 8). Le numéro 9 illustre les contre-cornières.

    L’évolution des arcasses

    JL BILLOT / Association Hermione - Lafayette, 1997 © Musée de la Marine, 2006-15-1, maquette de l'Ambitieux réalisée par Bernard Frölich

    Au 16ème et 17ème siècles les arcasses forment un arrière de navire plat. On peut observer ainsi la fin des bordages directement sur les estains. Ensuite de nouveaux bordages sont disposés à plat pour fermer cette partie.

    © Musée de la Marine de Rochefort, MnM 13 MG 34, modèle au 1/12ème d'un vaisseau 2 ponts ayant servi à l'instruction des gardes


    Puis au 18ème siècle, on l'arrondit afin que le navire glisse plus facilement dans l’eau.
    Cependant ces arrières dits « carrés » comportent de nombreux inconvénients.
    Tout d’abord c'est un espace assez ouvert, comportant galeries et fenêtres qui apportent de la lumière à l’arrière
    du bâtiment. Cette disposition est donc beaucoup plus fragile aux impacts des boulets que ne l’est la muraille.
    Lors d’un combat, si le navire se trouve en position d’enfilade, les projectiles adverses auraient le champ libre
    pour traverser toute la batterie et faire tant de dégâts qu’on serait obligé d’amener pavillon, c’est à dire de se
    rendre.

    Autre souci également, l’évolution des combats en mer n’étant pas linéaire, le navire bouge et se voit handicapé
    par un angle mort situé entre le plat du tableau et la fin des murailles. Si le navire ennemi arrive à se placer
    dans cet angle mort, il peut, sans risquer le feu adverse, canonner à volonté et ainsi faire taire une force quand
    bien même supérieure à la sienne.

    On peut observer cette disposition grâce à A. De Fréminville dans l’illustration suivante.

    Disposition des arrières carrés Fréminville

    C’est à partir de ce constat qu’au milieu du 19ème siècle, les ingénieurs ont travaillé sur le sujet des poupes
    rondes. La volonté principale était de protéger l’arrière du navire et de ne plus avoir ces angles morts.

    La structure d’un arrière rond est beaucoup plus simple qu’un arrière carré, c'est la fin de l’arcasse et on
    vient disposer « uniquement des couples dévoyés répartis en éventail sous les obliquités convenables pour se
    rapprocher du plan diamétral ».

    La muraille est alors prolongée jusqu’à l’arrière et les sabord continuent tout le long de cet arrondi.
    L’angle mort est couvert et l’arrière dispose, comme tout le long du navire, de la solidité des divers membres de
    cette structure.

    Toujours grâce à Fréminville, l'illustration suivante nous montre l'avantage des arrières dits "ronds" et cette
    suppression de l'angle mort.

    Disposition des arrières carrés Fréminville

    Si pour des navires militaires destinés au feu ces dispositions sont prises, les navires de commerce, eux,
    conservent ces arrières plats.

    L'arcasse, le bilan

    L'arcasse est la structure indispensable de l'arrière des navires jusqu'au milieu du 19ème siècle.
    Placée dès le début chantier, sa forme permet de passer de la finesse de la quille à la largeur nécessaire pour
    édifier la poupe.

    Elle se compose de nombreuses barres de bois qui en font une structure très lourde et délicate dans sa conception
    afin de garantir une bonne stabilité du navire.

    Malgré ses contraintes architecturales, c'est l'élément qui a permis de présenter ces incroyables arrières sculptés,
    ornés de balcons et présentant au monde le savoir-faire du pays que le navire représente.

    Puis avec le temps, cette partie arrière que supporte l'acrasse s'est avérée tellement fragile que le militaire à
    sacrifié la décoration au profit de la protection, lui préférant un arriète dit "rond".

    L'arcasse n'a pas été supprimée partout puisque les arrières carrés, jusqu'à aujourd'hui, en disposent toujours
    lorsqu'il s'agit de constructions en bois.

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